Église et charité

Dossier "Grand Angle" paru dans le numéro d'Eglise de Cambrai de novembre 2020

 

En cette période de pandémie, les conséquences économiques se font durement sentir pour de nombreuses personnes. De ce fait, les demandes d’aide et par conséquent d’action et de réponse auprès des plus démunis de nos sociétés augmentent.

Dernièrement le Pape a déclaré que les « effets de la pandémie seront terribles », et que cette « situation exceptionnelle » demande « une réaction nouvelle, différente », avec « un cœur qui voit et des mains qui agissent ». À cet égard, « il est urgent de déterminer […] les nouvelles formes de pauvreté », a expliqué le pape François, « pauvretés matérielles, pauvretés humaines, pauvretés sociales ». « Il faut savoir regarder les blessures humaines avec le cœur pour “prendre à cœur” la vie de l’autre ». Et cet « autre » n’est pas seulement un étranger nécessiteux, mais il est « un frère, un frère mendiant d’amour », a souligné le Souverain Pontife.

Dans sa dernière encyclique « Fratelli tutti » « Tous Frères » le pape nous invite à développer et à promouvoir la fraternité, la charité et l’amitié sociale dans notre monde d’aujourd’hui.

 

La fin d’année est traditionnellement une période au cours de laquelle les actions de solidarité, de charité sont mises à l’ordre du jour. Pour n’en citer que quelques-unes :

               17 octobre : Journée Mondiale du Refus de la Misère, qui est reconnue comme la Journée Internationale pour l’Élimination de la Pauvreté par les Nations Unies.

               15 novembre : Journée mondiale des pauvres ; en 2020 « Tends ta main au pauvre » (Si 7, 32) - et Journée du Secours Catholique sous le signe de la révolution fraternelle : « C’est quoi la fraternité ? »

               Pendant l’Avent : Campagne Cadeau pour moi ? Cadeau pour lui !

C’est l’occasion de nous pencher, et de réfléchir un peu sur la charité.

 

La charité est la valeur fondamentale pour les chrétiens. Elle est la plus essentielle des vertus théologales, mais nos contemporains lui attribuent la plupart du temps une connotation péjorative et lui préfèrent d’autres termes, en particulier celui de solidarité.

Mais pour les chrétiens il y va de l’authenticité de notre foi « La charité ne passera jamais » (1 Co 18,8).

Il nous faut donc retrouver le sens profond de la charité qui n’a rien à voir avec un petit geste condescendant, que cela peut évoquer dans l’esprit de certains de nos contemporains.

La charité dépasse la seule question de l’entraide humanitaire ou le secours mutuel pour comporter une relation interpersonnelle ouverte à l’amitié réciproque.

Les organismes catholiques de charité sont la partie visible de la charité ; Ils sont les mains de ce corps qu’est l’Église.

Saint Paul l’affirme dans 1 Co 13,3 : « J’aurai beau distribuer toute ma fortune aux affamés, si je n’ai pas la charité cela ne me sert à rien. »

La charité va donc bien plus loin que la distribution des biens, elle est l’expression d’un amour. Dans ce texte de saint Paul, le mot charité traduit le terme grec « agapè » (en latin caritas) signifiant affection, amour, tendresse. Fondamentalement, la charité c’est donc l’amour du prochain.

La charité trouve son fondement en Dieu lui-même : c’est parce que Dieu est Amour que nous sommes appelés à vivre l’amour entre nous, la charité.

Pour Jésus, l’amour de Dieu et l’amour du prochain, sont un seul et même commandement (Mc 12,31). La charité qu’il met en œuvre dans ses rencontres, et que nous rapportent les Évangiles, est toujours libérante : elle permet à ceux qui étaient courbés, abaissés, condamnés ou jugés de se remettre debout et de repartir dans la vie.

La charité chrétienne, notre charité, doit s’inspirer de cette attitude ; elle est un amour pour le prochain qui le libère du poids que font peser sur lui la misère, la souffrance ou le mépris.

On ne peut pas dire qu’on aime Dieu si on n’aime pas l’autre, si on ne pratique pas une charité active, qui engage à être efficace et imaginative, c’est-à-dire adaptée au problème à résoudre.

« C'est l'heure d'une nouvelle « imagination de la charité », qui se déploierait non seulement à travers les secours prodigués avec efficacité, mais aussi dans la capacité de se faire proche, d'être solidaire de ceux qui souffrent, de manière que le geste d'aide soit ressenti non comme une aumône humiliante, mais comme un partage fraternel. »

 (Saint Jean-Paul II, Novo millenio inuente n°50).

Un lien indissociable entre charité et justice

La charité pratiquée par les chrétiens ne peut pas se dispenser de pratiquer d’abord la justice.

Les Pères de l’Église insistent sur ce point. Bien souvent disent-ils, ce que nous appelons charité, n’est qu’un acte pour compenser notre injustice. Il faut d’abord organiser la société, le travail, la vie familiale selon la justice et ne pas faire de la charité surtout vue comme une distribution d’aumônes.

La charité doit éviter de gérer la pauvreté, sans s’attaquer aux causes.

Aujourd’hui la charité conduit surtout à s’engager dans une lutte pour l’exclusion sociale, y compris au niveau européen et planétaire, sous toutes ses formes et contre les mécanismes qui l’engendrent.

Elle doit mobiliser chacun des croyants de manière individuelle mais aussi collective.

La charité requiert tant des actions d’urgence (un secours) que des actions ayant des effets à plus long terme : développement, changements structuraux…

La charité n’est pas un mot dépassé si on retrouve son sens profond qui est celui de vouloir créer une société fraternelle en réponse à l’amour de Dieu.

L’Église a toujours eu le souci des pauvres à travers des œuvres de charité mais au XIXe siècle elle a plus particulièrement fait porter sa réflexion sur la société de manière plus globale, recherchant les causes de la pauvreté et l’origine des drames sociaux sur lesquelles elle appelait à agir. Elle cherche ainsi, tout simplement, au nom de l’Évangile et des valeurs évangéliques, à interroger la société sur son fonctionnement (Sollicitudo Rei Socialis, n) 41). C’est cette réflexion qu’on appelle  la doctrine sociale.

Sources : divers documents,
et en particulier le petit dictionnaire de la charité du Secours Catholique  - éditions Desclée de Brouwer – août 1996

 

Fratelli Tutti, une encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale

 

Dans l’introduction, le pape François livre son rêve de fraternité et d’amitié sociale.

« Je livre cette encyclique sociale comme une modeste contribution à la réflexion pour que, face aux manières diverses et actuelles d’éliminer ou d’ignorer les autres, nous soyons capables de réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots. Bien que je l’aie écrite à partir de mes convictions chrétiennes qui me soutiennent et me nourrissent, j’ai essayé de le faire de telle sorte que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté. »

181. Tous les engagements qui naissent de la doctrine sociale de l’Église « sont imprégnés de l’amour qui, selon l’enseignement du Christ, est la synthèse de toute la Loi (cf. Mt 22, 36-40) ». Cela suppose qu’on reconnaisse que « l’amour, fait de petits gestes d’attention mutuelle, est aussi civil et politique, et il se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur ».  […]

182. Cette charité politique suppose qu’on ait développé un sentiment social qui dépasse toute mentalité individualiste : « La charité sociale nous fait aimer le bien commun et conduit à chercher effectivement le bien de toutes les personnes, considérées non seulement individuellement, mais aussi dans la dimension sociale qui les unit ».

184. La charité est au cœur de toute vie sociale saine et ouverte. {…].

Précisément, sa relation avec la vérité permet à la charité d’être universelle et lui évite ainsi d’être « reléguée dans un espace restreint et relationnellement appauvri ».

185. La charité a besoin de la lumière de la vérité que nous cherchons constamment et « cette lumière est, en même temps, celle de la raison et de la foi », sans relativisme. {…}. En effet, lorsque le bien des autres est en jeu, les bonnes intentions ne suffisent pas, mais il faut effectivement accomplir ce dont ils ont besoin, pour se réaliser.

186. […] Ainsi, « l’engagement tendant à organiser et à structurer la société de façon à ce que le prochain n’ait pas à se trouver dans la misère est un acte de charité tout aussi indispensable ». C’est de la charité que d’accompagner une personne qui souffre, et c’est également charité tout ce qu’on réalise, même sans être directement en contact avec cette personne, pour changer les conditions sociales qui sont à la base de sa souffrance.

Article publié par Service communication • Publié le Mardi 23 mars 2021 • 1255 visites

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