Homélie de Mgr Migliore : Messe du jour mercredi 9 mars 2022

 La Parole de Dieu de ce matin nous propose le regard de Dieu sur les évènements tragiques de ces jours-ci en Europe.

Jonas est envoyé à Ninive, grande capitale de cette époque gangrenée par toutes sortes de méchancetés et de violences, pour inviter les habitants à la conversion. L’annonce de Jonas arriva jusqu’au roi de Ninive. Il se leva de son trône, quitta son manteau, se couvrit d’une toile à sac, et s’assit sur la cendre.

C’est l’espérance que nous avons eue et que nous continuons à nourrir en ces jours, que les puissants de ce monde se repentent de leur folie guerrière. Mais cette espérance peine à voir le jour.

Alors que pouvons-nous faire dans cette situation ?

J’ai trouvé intéressante une homélie que l’évêque orthodoxe russe, Antonij Bloom, alors exarque du patriarcat de Moscou pour l’Europe occidentale, a prononcé en août 1968, durant l’invasion de la Tchécoslovaquie, quand les chars armés entraient à Prague, étouffant le « printemps » qui avait suscité tant d’espérances.

Face au « calice de la colère, de la douleur, de la souffrance rempli à ras bord et qui déborde une fois de plus », l’évêque Antonij proposait à ses paroissiens une voie exigeante, presqu’impossible, mais qui, disait-il, est « la voie du Christ et donc notre voie : elle consiste à étreindre d’un amour égal les uns et les autres, les agresseurs et les agressés ; les prendre dans les bras – non pas avec sympathie, mais avec compassion ; non pas avec condescendance, mais avec la conscience de l’horreur devant laquelle se trouve l’injustice, et de la croix devant laquelle se trouve la justice… et à comprendre que notre place est sur la croix, et pas simplement aux pieds de la croix. ».

Face au sentiment d’impuissance qui pouvait facilement assaillir en ces jours les hommes de bonne volonté, exactement comme nous tous aujourd’hui ; face à la tentation de tout réduire à des jeux de pouvoir, de parier sur les « bons » et les « méchants », de penser que tout dépend de l’échiquier politique et diplomatique, Antonij avait le courage de proposer de mettre l’espérance en une « prière pour le monde ». « Pas la prière facile que nous élevons dans notre quiétude imperturbable – précise l’évêque Antonij – mais la prière qui monte vers le ciel, qui ne laisse aucun répit, qui nait de l’horreur provoquée par la compassion, qui ne nous permet plus de nous contenter des futilités de notre vie, qui exige que nous comprenions finalement la profondeur de la vie au lieu de la trainer indignement : indignement pour nous, indignement pour Dieu, indignement pour la douleur et la joie ; que finalement nous comprenions les souffrances de la croix et la gloire de la Résurrection, qui se succèdent et s’entremêlent sur notre terre. ».

« Le Christ n’a pas choisi, concluait Antonij. Le Christ est mort parce que les justes sont persécutés et que les pécheurs vont à la perdition. Dans cette double unité avec les hommes qui sont autour de nous, dans cette double unité avec le juste et le pécheur, prions pour le salut de l’un et de l’autre, implorons la miséricorde de Dieu, afin que les aveugles acquièrent la vue, que la justice l’emporte – non le jugement mais la justice qui conduit à l’amour, au triomphe de l’unité, à la victoire de Dieu. ».

Comme le disait Teilhard de Chardin au cœur des tranchées de la guerre de 14, nous sommes appelés à « aider Dieu de toutes nos forces ».

Au cours de cette messe, demandons au Seigneur le même don de sagesse, de bon sens et de changement de perspective que Dieu a accompli chez Jonas, les habitants de Ninive et leur roi.

 

Article publié par Service communication • Publié le Jeudi 10 mars 2022 - 14h15 • 573 visites

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