Jean-Jacques Stenven, le chantre de la terre, marche avec nous

Dans son nouvel ouvrage* aux lavis à l'encre de Chine, l'artiste peintre orchestre deux partitions en harmonie : la nature et la Parole de Dieu.

 

Au coeur de la communauté de communes Pévèle-Carembault, traversée par le ruisseau de Coutiches, Jean-Jacques Stenven vous accueille en "La Manne", la bâtisse aux volets bleus de la rue Basse, jadis fabrique d'espadrilles.

Visiteur, vous êtes impatient de découvrir le livre d'art et voilà que l'auteur opte pour une conversation amicale, à bâtons rompus, essentielle de son point de vue. Touchant. Vient ensuite le temps où, vous invitant à pénétrer dans son antre-atelier-chantier - beau privilège ! -, Jean-Jacques vous commente chaque verset-titre de ses lavis, tiré de chapitres des évangélistes Luc et Matthieu. Une plongée émouvante - "L'encre du pinceau, c'est l'écriture en minuscule mais aussi en majuscule (au pluriel), avec ce rendu de la nuit qui m'a toujours accompagné"- dans un travail hérité des primitifs flamands, qui se veut chemin d'errance et de paix, accompagnement, confidence et confession :  "Les paysages me guident et la Parole de Dieu est d'une actualité qui ne cesse de me bouleverser. C'est comme si j'avais une caméra sur l'épaule, je n'ai plus qu'à emboîter mes pas dans les siens, en simple disciple ...".

Echappée plein champ, urgence et brûlure

Journaliste, écrivain et critique littéraire, Christophe Henning signe la préface de l'ouvrage. Sylvie Germain, écrivaine, en a rédigé la postface. L'artiste peintre s'effacerait presque devant ces deux signatures amies : "Dans ton reportage, n'axe pas trop sur ma personne, davantage sur cette Parole de vérité deux fois millénaire qui nous rejoint dans la nature et sa sobriété franciscaine". Le lecteur appréciera la contribution de Christophe Henning : "Le chant de la terre est là, sous nos yeux. Regardez ! Jean-Jacques Stenven, arpenteur de sa campagne aux confins de la Scarpe et de l'Escaut, est roi en son pays, fait de plaines et de bosquets, de marais et de chemins vicinaux (...). Il est au coeur d'un combat. De l'homme avec la terre, de l'artiste avec le temps, du peintre avec la matière. Le roi des marais et des ruines re-suscite ce monde qui est le sien, mais il le transcende. Il l'habite". 

Inquiétude, lutte, enfantement et gratitude

Sylvie Germain prend le relais : "Le peintre honore le visible dans sa simplicité, sa pauvreté même. Il célèbre avec sobriété la grâce infuse dans l'ordinaire. Il dit faire toute son oeuvre sur la banalité du quotidien, travaille chaque forme avec le même soin ». Sympathie, amitié, fraternité : Stenven est enlacé aux arbres dans l'acte de peindre. Chair et esprit s'entremêlent. Il écrit : "La nature m'insuffle une dimension spirituelle, directe ou indirecte, immédiate ou en décalage de mon contact avec elle. La spiritualité est le bruit de fond de mon travail". Sylvie Germain désigne : " Autant d'invitations à de longues et lentes déambulations à travers champs et sous-bois, prés et villages, le long de ruisseaux aux eaux presque stagnantes, de clôtures faites de piquets distordus reliés les uns aux autres par des fils barbelés distendus, de murs à demi écroulés, hérissés de ronces (...). Invitations à la marche au ras du ciel (...), à une lecture si sensible du paysage qu'elle se révèle lectio divina : elle se déploie en méditation, s'épanche en oraison, s'effuse en contemplation, tout en demeurant en alarme ». 

Poursuivant sa marche incessante à travers terre et temps, le lecteur appréciera, à la fin de l'ouvrage, l’intégralité des chapitres dont sont extraits les versets-titres des lavis. Lui restera à mettre ses pas dans celui qui sème la bonne semence.

Ph. Courcier

*"Et il marchait avec eux, à l'écoute de Saint Luc et Saint Matthieu" (KAPPArt éditions, 85 p. 28€) disponible en librairie ou chez l’auteur : jjslamanne@orange.fr

 

Stenven, un ange au bord du chemin

Ami de Dom André Louf (1929-2010) et de son biographe, Charles Wright, de Michel Ciry (1919-2018), de Colette Nys-Mazure, Jean Moraisin, Nimrod...,   Jean-Jacques Stenven, 71 ans, natif de Flines-lez-Râches, interroge inlassablement les paysages de ce Nord où il est enraciné pour toujours. Il est patient, minutieux, ami du temps long, du temps lent. Outre ses nombreuses expositions, sa bibliographie dit beaucoup sur un personnage humble, serviteur d'un art devant lequel il s'efface volontiers pour laisser toute la place à la création et au créateur. Son atelier - une pièce aveugle où il se tient debout arc-bouté sur un roseau géant jusque très tard dans la nuit, son royaume - "dit" l'homme regardeur mais aussi l'homme transmetteur. En témoigne l'exposition réalisée avec les enfants de l'école du Sacré-Coeur, à Auchy-les-Orchies, en 2019, pour ses 170 ans. Ou encore le titre de son dernier tableau "Vers où ?", achevé avant le conflit russo-ukrainien. "J'espère que l’interrogation ne s'écrira pas ... verrou, en un seul mot". 

 

Article publié par Service communication • Publié le Lundi 14 mars 2022 • 1353 visites

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