Les Jardins du Carmel à Douai, histoire d’une transformation sociale

L’ancienne bâtisse a gardé son imposante physionomie. En plein cœur de Douai, le mouvement Habitat et Humanisme, qui agit depuis 37 ans en faveur de l’insertion et du logement des personnes en difficulté, inaugurera le 28 septembre la résidence des Jardins du Carmel, là où les sœurs s’étaient installées en 1847. Visite guidée à travers le temps.

 

L’histoire

Une page de l’histoire de l’ancien carmel de Douai se tourne. Fin septembre, le grand public découvrira la nouvelle facette d’un lieu qui a vu les sœurs s’y installer une première fois au milieu du XIXe siècle, avant d’en être chassées (le bâtiment est alors vendu par l’Etat) puis d’y revenir par la grâce d’un bienfaiteur, en 1923. Ce, jusqu’en 2015, date à laquelle, les carmélites plieront définitivement bagages pour rejoindre la communauté des sœurs hospitalières à Saint-Amand-les-Eaux.

La réhabilitation

Jocelyn Oger, bénévole du mouvement, est un témoin privilégié de cette transformation édifiante. Il raconte : « Les sœurs ont confié le bâtiment à Bernard Devert, président-fondateur d’Habitat et Humanisme. Elles souhaitaient qu’en soit gardé l’esprit du carmel pour en faire un lieu d’accueil, de vie sociale et partagée. » C’est aujourd’hui chose faite avec une résidence intergénérationnelle de 37 logements, dont la plupart sont déjà occupés. Des T2 et des T3 de 44 à 72 m2, 100 % PMR (personnes à mobilité réduite), bien agencés et modernes, dans un environnement verdoyant de 6773 m2 partagé entre les rues de Herse, de l’Arbre sec et Serval. Une curiosité : les vitraux de l’ancienne chapelle, démontés malgré leur mauvais état, puis restaurés par le maître-verrier Judith Debruyn et son mari Franck Pilot, qui donnent depuis le patio un charme inédit à la structure.

Un projet social

Les Jardins accueillent des publics variés : seniors isolés ou fragilisés, familles monoparentales, jeunes travailleurs en précarité ou étudiants. Jocelyn Oger le sait mieux que quiconque : ici, le vivre-ensemble est érigé en priorité. « Notre ADN, c’est l’accompagnement. L’objectif, c’est que les plus jeunes veillent sur les plus âgés, qu’ils se rencontrent, partagent, s’entraident ». Une charte de bienveillance a d’ailleurs été établie et une salle commune construite au cœur de l’ancienne chapelle pour faciliter les échanges et les animations. La résidence dispose également d’un bel espace vert où un projet de carré portager doit voir le jour, poursuit Jocelyn Oger, qui voit là une belle opportunité pour chaque résident de partager son savoir-faire, accompagné par l’association douaisienne Toit et Petits Pois. « Les emménagements ont débuté le 22 mai de cette année, mais on sent déjà, après quelques mois, une vraie entraide », analyse M. Oger. Les résidents sont accompagnés par des salariés et des bénévoles, individuellement ou collectivement.

 

 

Rencontre avec un résident, Mohammad Asif Rasooli

Le jour de notre visite, nous avons rencontré Mohammad Asif Rasooli, qui vit dans l’un des trente-sept logements de la résidence des Jardins du Carmel. Derrière son sourire discret, on devine une souffrance. Cet homme de 55 ans, réfugié politique, a fui l’Afghanistan en 2012, chassé par les Talibans qui lui ont enlevé une grande partie de sa famille. Il est ici seul : quelques photos de ses proches enregistrées sur son téléphone, qu’il montre avec pudeur, témoignent de son passé. Difficile pour lui de mettre des mots sur son parcours chaotique. Dans un français encore hésitant, qu’il apprend, il nous raconte, ému, son périple pour arriver en France il y a six ans : « J’ai quitté mon pays et ma grande maison à Kaboul pour aller en Iran, puis en Turquie, en Italie, en Angleterre, et enfin en France ». L’ancien jardinier, qui a décoré son appartement avec plein de plantes, y retrouve la quiétude de son verger au pays, avant l’arrivée des Talibans. « J’avais un terrain de 19 hectares, dont 12 pour les pommes », ajoute-t-il. Son quotidien a changé mais le passé ressurgit souvent, avec ses peines et ses joies. « Je fais encore des cauchemars, mais je dors mieux. Ce qui est difficile, c’est de ne plus avoir de famille. » A Douai, au milieu des autres locataires, bien accompagné par les bénévoles d’Habitat et Humanisme, il se reconstruit peu à peu. Sans oublier le passé, mais le regard tourné vers un avenir plus radieux.

 

Article publié par Service communication • Publié le Lundi 07 août 2023 • 695 visites

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