Si le diocèse redevient la paroisse...

L'évolution des paroisses depuis les premières communautés chrétiennes jusqu'à nos jours

Le 22 octobre à Raismes, au cours de l'assemblée générale de l'OTPP, Monsieur Christian Cannuyer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université catholique de Lille, a retracé en 7 étapes, l'évolution des paroisses depuis les premières communautés chrétiennes jusqu'à nos jours :

 

1ère étape : Au premier siècle, les paroisses sont le contraire de l'idée qu'on s'en fait aujourd'hui.

 

Le sens étymologique du mot paroisse : Paroikiai  "séjour là où on n'est pas chez soi". Les premiers siècles n'ont pas été une succession ininterrompue de succès pour les chrétiens. Ils étaient très minoritaires et ils se réunissaient par petits groupes chez des particuliers. Ils n'avaient pas du tout le souci de se structurer pour s'installer car ils attendaient le retour imminent du Christ. A cette époque tout est donc provisoire, l'Église n'est pas faite pour s'installer.

 

2ème étape : Au 2ème et 3ème siècles, les premières communautés commencent à se structurer.

 

Les premières communautés chrétiennes se sont implantées là où il y avait des communautés juives qui se réunissaient dans des synagogues. Elles en ont donc tout d'abord adopté le mode de gouvernement collégial avec notamment le conseil des "anciens" qu'on appelait soit les presbytres soit les épiscopes. Par la suite elles vont s'en distinguer en deux temps :

  • Elles vont d'abord se hiérarchiser : Il n'y aura plus qu'un seul épiscope qui préside l'Eucharistie et qui a la plénitude du sacerdoce. Là où il y a une communauté réunie autour de son évêque, il y a toute l'Église. L'évêque n'est pas l'évêque d'un diocèse, c’est-à-dire d'un territoire, mais d'une ville.
  • Ensuite pour rejoindre les chrétiens dans les campagnes, l'évêque va être obligé de déléguer à des prêtres une partie de ses pouvoirs, notamment pour présider l'Eucharistie.

 

3ème étape : Au 4ème siècle, l'Empire Romain devient chrétien et l'Église s'installe pour durer.

 

L'empereur Constantin se convertit au christianisme et en fait la religion de l'Empire. Les chrétiens jusque-là minoritaires et persécutés vont devenir majoritaires et vont à leur tour persécuter les païens pour  faire disparaître les autres religions. C'est la fin de l'Église qui attend le retour imminent du Christ, l'Église s'installe pour durer. Le terme Paroikiai commence à désigner les assemblées de chrétiens organisées mais elles correspondent à ce qu'on appelle aujourd'hui un diocèse. Jusqu'au Moyen Age, ce qu'on appelait les diocèses étaient des églises succursales administrées par des prêtres qui restaient dans la dépendance et sous l'autorité absolue de l'évêque. Au 5ème et 6ème siècle, ces églises succursales commencent à avoir plus d'autonomie, le prêtre n'est plus un simple délégué de l'évêque pour présider l'Eucharistie, il commence à avoir le droit de  prêcher et de baptiser.

 

4ème étape : Au 8ème siècle, émergence des paroisses telles que nous les avons connues.

 

Les campagnes étaient encore majoritairement païennes. Pour les évangéliser, plusieurs types de paroisses, toujours appelées "diocèses", vont voir le jour : des paroisses instituées par les évêques, surtout dans les villes, des paroisses autour d'une abbaye qui organise le culte dans son voisinage, des paroisses créées par les seigneurs locaux qui mettent à leur tête un de leur serf. Le concile de Toulouse dit que tout chrétien doit avoir un lieu de culte pas trop loin de chez lui.

 

5ème étape : Au 11ème, 12ème, 13ème siècles, territorialisation des paroisses.

 

La paroisse devient un territoire bien délimité, avec un clocher et un curé qui est désormais le pasteur de ses brebis représentant l'autorité de l'évêque. C'est l'époque de la féodalité : le pouvoir de l'État central s'effrite au profit d'une multitude de petits seigneurs locaux qui veulent contrôler l'Église. Pour lutter contre cela, l'Église va renforcer l'autorité centrale du Pape et adopter une structure pyramidale, très autoritaire. Ce modèle est adopté par les paroisses : autorité absolue du curé, il est le chef du peuple chrétien local, il a le droit d'excommunication. Le concile de Latran IV stipule que chaque paroissien doit se confesser au moins une fois l'an et seulement au curé de sa paroisse. Le curé est le contrôleur des âmes. Il s'entoure de vicaires.

 

6ème étape : Au 16ème siècle, Le concile de Trente et l'esprit de clocher

 

Le concile de Trente réagit face à la menace des protestants qui veulent revenir à un mode collégial de gouvernement. Chaque évêque doit donc définir le maillage territorial des paroisses : chaque parcelle de territoire doit appartenir à une paroisse fixe qui doit avoir à sa tête un curé permanent portant soutane. La paroisse va devenir l'entité de base non seulement de la vie de l'Église mais aussi de la vie sociale et administrative. C'est le curé qui tient l'Etat Civil. Chacun se définit comme étant de tel ou tel clocher. La Révolution va accentuer encore cet esprit de clocher car les communes vont adopter les limites des paroisses.

 

7ème étape : à partir de la seconde guerre mondiale, éclatement des paroisses

 

Tout cela a éclaté quand notre pays a commencé à se déchristianiser et quand la pratique de la religion est devenue une affaire moins communautaire : les chrétiens ne vont plus forcément dans l'église de leur paroisse. En 1983 un nouveau code du droit canonique définit la paroisse comme étant une communauté de gens qui ont l'habitude de se rassembler et non plus comme une localisation.  On passe à un mode de participation volontaire des laïcs à l'administration des paroisses avec un partage horizontal des responsabilités.

 

Conclusion : Il est donc tout à fait possible et légitime de repenser les paroisses car elles n'ont jamais été conçues comme un modèle définitif de l'Église. Le modèle fondamental de l'Église est une communauté de chrétiens réunis autour de leur évêque de sorte que si le diocèse devait devenir une grande paroisse ce ne serait jamais qu'un retour aux sources.

 

                      

Article publié par Gérard PIQUE • Publié le Lundi 03 novembre 2014 • 4165 visites

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