Se mettre à l'écart
Est-il bon de se mettre à l’écart quelques jours ? Simplement y penser suffit à nous exacerber, tant nous sommes oppressés par une accumulation incessante de choses à faire. Au moment où je commence à rédiger ce texte, ma voisine d’en face vient de terminer sa journée d’enseignement dans un lycée ; elle sonne à ma porte pour donner suite à un échange de services et lâche dans la conversation ces mots : on vit dans un monde de fous ! Il est vrai que chaque minute, nous sommes tellement sollicités par de puissants médias que nous pouvons être tentés d’invoquer la déesse Shiva pour la supplier de nous prêter ses trois paires de bras ! Mais cela ne nous avancerait pas car nous ne saurions par quoi commencer : les sollicitations nous écartèlent et nous ne savons plus quelle direction prendre pour que notre vie retrouve du sens et du goût.
Redécouvrir l'essentiel
Nous mettre à l’écart quelques jours, nous le pressentons bien, pourrait nous aider à sortir d’une période de turbulences, nous permettre de réunifier notre vie, y redécouvrir ce qu’elle recèle de plus essentiel. Quelques jours à l’écart pour nous poser pourrait nous aider à discerner, à mûrir un choix qui engage tout l’avenir. Quelques jours de silence pourraient nous conduire à relire notre vie pour y découvrir les signes à travers lesquels Dieu nous adresse un appel. Mais désirer nous mettre à l’écart peut naître d’une autre raison qui n’exclut nullement les autres : serait-elle plus essentielle encore ?
"Comment c'est possible ?"
Nous est-il arrivé d’éprouver le désir de nous retirer quelques jours, pour être simplement avec Lui, notre Dieu ?… Je vous entends me répondre : « Mais vous n’y pensez pas ! Avec mes horaires de travail, mes trajets, toutes les personnes qui comptent sur moi pour ne pas perdre pied, comment c’est possible? » Puis-je vous poser une autre question ? Vous étonneriez-vous si des jeunes mariés vous annonçaient que durant toute la semaine qui suit leur mariage il ne sera pas possible de les joindre parce qu’ils seront en voyage de noces, ne seriez-vous pas immédiatement disposés à vous en réjouir pour eux et avec eux ? Si c’est le prix à payer pour permettre l’enracinement d’un amour, les fruits n’en seront-ils pas infiniment plus grands que dans un éparpillement qui finirait par épuiser toutes nos réserves ?
N’est-ce pas Dieu qui, dès la création d’un peuple de croyants, nous conjura de cesser régulièrement toute activité, pour entrer plus profondément dans le mystère de ses noces, de son alliance avec nous ?
Puisque l’on m’a laissé carte blanche, c’est avec cette question que j’aimerais ouvrir ce grand angle avec vous.
En vérité, le principal obstacle qui se présente à nous lorsque l’idée nous vient de prendre quelques jours de silence pour laisser Dieu nous parler, c’est la peur du vide. Or, une retraite spirituelle nous enjoint de faire taire le monologue qui nous enferme sur nous-mêmes : on essaye, et voilà que soudain on se retrouve face au désert. C’est l’expérience qu’à vécue le Père Charles de Foucault qui vient d’être canonisé dans ses nombreuses pérégrinations dans les déserts de sable du Sahara : c’est par l’acceptation d’un silence intérieur qu’il a pu commencer à laisser toute la place à Dieu.
En plein désert
L’appel à quitter toute l’agitation intérieure que je viens d’évoquer n’a-t-il pas retenti, pour la première fois, dans une des régions les plus désertiques de la planète, celle du Mont Sinaï ? Là, en plein désert, Moïse témoigne avoir entendu cette divine parole : « Je suis avec toi ! » (Ex 3, 12). Nous connaissons bien ce récit de l’Exode dans lequel on raconte comment le passage d’une terre d’esclavage à une terre de liberté n’a pu se faire que par une traversée de 40 années de désert. Ce récit nous le savons, a pris naissance à partir de traditions orales issues de tribus nomades très diverses : c’est grâce à ce récit qu’elles se sont reconnues unies dans une même foi - qui demeure l’origine de la nôtre ! - celle de nous savoir conduit par un Dieu qui s’est rapproché de nous et pourvoit à tous nos besoins : en plein désert, on découvre qu’il ne nous laisse manquer ni de nourriture, ni d’eau ; il nous protège des morsures mortelles, il nous défend face à de puissants ennemis ; il nous convie à une vie de plus en plus fraternelle, et lorsque nous nous détournons de lui et que nous revenons vers lui, il nous accorde son pardon.
L’étape du Sinaï
Ce récit a donné naissance à de nombreux psaumes qui transmettront cet émerveillement de générations en générations ; on finira par accorder plus d’importance à ce temps de traversée du désert qu’à la sortie d’Egypte ou à l’entrée en terre de Canaan. L’étape du Sinaï, située en plein coeur de cette traversée de désert, va devenir un mémorial plus important que tout ce qui se vivra ensuite sur cette terre promise à laquelle le peuple hébreu n’avait cessé de rêver. Mais n’oublions pas que la toute première demande adressée par Dieu à ce peuple, demande gravée sur la pierre en lettres de feu, était d’honorer par-dessus tout l’alliance d’amour qu’il avait conclu avec son peuple : c’était un choix fait par Dieu, gratuit et irrévocable ! Cette nostalgie de ce temps de désert durant lequel un peuple avait appris à faire pleinement confiance à Dieu va nourrir une espérance de plus en plus grande et creuser une attente de plus en plus profonde.
Retour au désert
Lorsque le peuple hébreu, quelques siècles plus tard, se retrouve en Exil à Babylone, il interprètera cet exil comme un retour au désert, et donc, comme la grâce de pouvoir accueillir une nouvelle fois la bienveillance et la miséricorde de son Dieu. On relira la geste du prophète Elie à la lumière de l’Exode, mais à une plus grande profondeur : la visite de Dieu sur la montagne de l’Horeb n’a plus besoin comme au Sinaï d’un sommet environné d’éclairs, de feu et de coups de tonnerre, mais simplement, de l’entrée d’une petite grotte, d’une brise légère et d’un chuchotement de paroles prononcées "dans un fin silence" (1 Rois 19, 12). Désormais, le silence de Dieu restera, dans la foi, habité par sa mystérieuse présence. Ce silence deviendra même le prélude indispensable à sa visite ; c’est ainsi que l’exil dans un désert sera vu désormais comme un chemin de purification en vue d’un renouvellement de l’Alliance. C’est à la lumière de ce sens nouveau que sera relue et interprétée la parabole qui avait autrefois été racontée par le prophète Osée : Dieu répond à l’infidélité de son peuple identifié à une épouse infidèle en lui révélant un amour encore plus grand. Après avoir annoncé qu’il la conduirait au désert et que là, il parlerait à son cœur, il déclare : « Je te fiancerai à moi pour toujours ! Je te fiancerai par la fidélité et tu connaîtras ton Seigneur ! » ( Os 2, 21-22).
Le souvenir d'Elie
Après ce temps de purification durant 40 années d’exil à Babylone, les Hébreux apprendront que Cyrus, le roi des Perses qui vient de conquérir un immense empire de l’Indus à la méditerranée, signe un décret qui permet aux hébreux de retourner dans leur pays d’origine. Ceux-ci comprennent alors que sans le savoir, Cyrus avait exécuté une décision prise par le Dieu de leurs pères. Cependant, beaucoup vont hésiter à repartir dans la crainte d’arriver dans un no man’s land, un désert où plus rien ne subsiste du passé. C’est alors que l’on va se souvenir de ce qui était arrivé au prophète Elie lorsqu’une grande sécheresse avait sévi sur la terre d’Israël. Dieu avait guidé les pas du prophète dans le territoire païen de Sidon et là, Elie avait découvert une pauvre veuve qui avait totalement fait confiance à Dieu en donnant au prophète la seule nourriture qui lui restait. Et voici que les miracles qui avaient eu lieu dans la traversée du désert de l’Exode se reproduisent de manière encore plus éloquente : « La cruche de farine ne se tarissait plus ; la jarre d’huile ne se désemplissait plus ! » (1 Rois 17, 14).
Profond renouveau spirituel
Trois siècles plus tard, des juifs de tous milieux vont recevoir de l’Esprit le pressentiment qu’il est temps de se réparer à la venue imminente de Dieu. L’Esprit avait en effet suscité, dès le temps de l’occupation de la Palestine par les grecs, un profond renouveau spirituel. Le courant pharisien avait encouragé la création de synagogues dans toutes les bourgades. La prière récitée sept fois par jour n’était plus réservée aux célébrations du Temple. Un engouement pour la prière du Shemoné Esré, ces 18 bénédictions par lesquelles on implore la venue du Messie, nourrissait la ferveur populaire. Des juifs pieux, désirant se consacrer à l’étude et à la méditation de la Torah, se constituent en fraternités, non seulement sur la terre d’Israël mais dans toute la diaspora, principalement en Egypte et dans la région de Babylone. D’autres juifs appartenant principalement au milieu sacerdotal repartent au désert à proximité de la Mer Morte et y instaurent les premières communautés monastiques. Ils y attendent les temps messianiques avec appréhension, car ils pensent que ce sera le moment d’une ultime purification, non plus seulement par la lessive mais par le feu du fondeur, seul capable d’éliminer toutes les scories.
Lieu d'écoute
Cependant, un autre groupe, plus discret, dans la mouvance d’un courant qui s’enracine dans les espérances dont témoignent les rouleaux du prophète Isaïe, vont découvrir dans un désert vécu spirituellement et dans le présent du quotidien, le lieu d’une écoute des inspirations de l’Esprit Saint. Ce groupe est constitué de juifs qui ont appris à vivre dans le dépouillement ; la priorité à l’écoute de la Parole divine les a conduits à préférer vivre d’une façon simple, humble et discrète ; ceux qui ont choisi ce renoncements aux richesses matérielles se reconnaissent bien, dans la lignée des petits et des pauvres nomades qui ont dû vivre un long temps de désert et de purification avant de pénétrer dans la terre promise ; ils ont appris comme eux mais à un niveau plus profond, à vivre en permanence sous le regard de Dieu ; ils mettent en Lui toute leur confiance et se considèrent comme ses enfants ; ils attendent la venue de son Messager , annonciateur des temps nouveaux, avec une immense joie. C’est dans ce terreau que la personnalité divine de Jésus et sa vocation pourront s’épanouir. Les évangiles sont restés très discrets sur les origines de Jésus, comme s’il fallait, dans un premier temps, en garder le secret, car seuls, ceux qui ont fait l’expérience de ce dépouillement peuvent y pressentir les voies de la sagesse divine.
Un cadre désertique
Nous ne seront plus surpris que la toute première fois où l’on voit Jésus apparaître dans l’évangile de Jean, c’est dans un cadre désertique, de l’autre côté du Jourdain, c’est-à-dire là où l’on avait conservé le souvenir de l’étape ultime du désert traversé par les hébreux durant leur exode. Il est bon de savoir que l’évangile de St Jean est resté proche de la chronologie des événements, car il a pu restituer la vie publique sur ses trois années, à la différence des synoptiques qui ont tout regroupé sur une année, et qui n’ont mis en évidence le chemin d’exode de Jésus qu’à partir de sa dernière montée à Jérusalem.
Si Jésus se trouve avec Jean-Baptiste à l’endroit où les hébreux se sont préparés à traverser le Jourdain après une longue pérégrination dans le désert, cela signifie que pour eux, la seule manière de se préparer à accueillir le royaume de Dieu, c’était de se replonger dans le mode de vie des nomades de l’Exode, au temps de Moïse. Il est vraiment bouleversant de penser que Jésus, avant d’être identifié comme le nouveau Moïse par ceux qui vont le fréquenter, commence par se confondre avec tous ceux qui ne pouvaient plus compter que sur la miséricorde de Dieu pour être sauvés. Il est vraisemblable que Jésus ait séjourné sur la rive Est du Jourdain durant plusieurs années pour se laisser creuser par l’aspiration à l’accomplissement de la promesse divine qui avait retenti pour la première fois dans le désert du Sinaï : Jean-Baptiste, témoin de la radicalité des aspirations de Jésus, s’est senti poussé à faire appel à lui pour le seconder, car les pénitents ne cessaient d’affluer de partout pour profiter de ce baptême en vue de la rémission des péchés. Jean Baptiste accordait beaucoup d’importance à cette préparation au pardon.
La fête des tentes
Il convient de se rappeler que dès leur retour d’exil, les juifs avaient institué une fête appelée fête des tentes. Durant une semaine, les juifs étaient invités à construire une petite hutte pour y vivre comme au temps de l’Exode et se préparer ainsi à la fête du grand pardon. Jésus s’insère dans cette démarche qui consiste à revivre comme ses pairs, les épreuves du désert qui les avaient préparés à accueillir tout ce qu’ils vivraient dans la terre promise comme un don de Dieu. Comme au désert, Jésus mène un dur combat contre les puissances du mal ; les évangiles synoptiques y ont fait une brève allusion à travers le récit qui présente Jésus passant quarante jours et quarante nuits de jeûne, là où plus rien ne pousse, revivant les mêmes combats et les mêmes tentations que les hébreux, tout au long de leur exode, mais cette fois, pour les vaincre définitivement. Lorsque ceux qui deviendront ses deux premiers disciples lui posent la question : « Maître, où demeures-tu ? » nous pouvons choisir une autre traduction plus proche de l’araméen en disant : « Maître, montre-nous où tu as construit ta hutte ? ». Je me plais à penser qu’ils ont dû être très surpris de découvrir qu’il n’avait même pas de hutte, mais qu’il avait dû trouver refuge, comme le prophète Elie, à l’écart, au creux d’un rocher perdu sur une terre rocailleuse…
Une effusion de l’Esprit Saint
La veille, Jésus avait accompli un acte qui marquait l’achèvement du premier exode dont nous venons de retracer l’histoire ; Jésus était entré dans les eaux du Jourdain, avec les autres pénitents : Jean, son cousin, lui avait dit : « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et non l’inverse » mais il avait cédé à l’injonction de son cousin : au moment où Jésus confesse tous les péchés commis par son peuple et implore la miséricorde divine avec la confiance candide d’un enfant qui lève les yeux vers le visage de son père, il rétablit la communication qui avait été brisée entre Dieu, son peuple et toute la création ; le ciel que le péché avait refermé, se déchire pour une effusion de l’Esprit Saint espéré par le prophète Isaïe comme le temps où Dieu nous ferait grâce et laisserait déborder sa miséricorde sur les pécheurs. La traversée du Jourdain n’était plus seulement l’entrée dans une terre bénie, mis l’ouverture d’un autre passage, celui qui relie la terre au ciel et qui nous ouvre les portes des demeures du Père. Désormais Jésus va s’employer à préparer son peuple à cette ultime étape de notre exode vers ces demeures célestes : il n’y aura plus qu’à nous ouvrir pleinement à la miséricorde du Père pour nous retrouver en communion avec Lui et avec tous nos frères.
Accueil de la miséricorde
Il est vrai que les trois principales fêtes juives avaient été instituées en vue de l’accueil de cette miséricorde. Elles étaient célébrées avec faste dans le temple de Jérusalem. On s’y rendait de partout en pèlerinage : pour les Galiléens, il fallait compter une semaine de trajet ; celui-ci était ponctué par la récitation des psaumes. A l’époque de Jésus, seul le pèlerinage des fêtes de Pâque, était obligatoire. Les évangiles nous apprennent que Jésus, dès sa plus tendre enfance, accomplissait chaque année en famille les trois pèlerinages accomplis sur le modèle de l’exode vers la terre promise : ceci prouve que Joseph et Marie vivaient déjà à temps plein cette spiritualité du désert. Si Jésus, durant les trois années suivantes, continuera à se rendre, avec ses disciples, en pèlerinage à Jérusalem, trois fois par an, pour les trois grandes fêtes qui commémoraient la sortie d’Egypte, la célébration de l’alliance conclue au Sinaï et la révélation du nom de Dieu communiquée à Moïse, ce sera pour accomplir jusqu’au bout ce chemin de l’exode, puis pour déclarer publiquement que ces trois fêtes trouvaient en lui, Jésus, leur accomplissement ultime. Cette déclaration était scandaleuse aux yeux de tous les dignitaires du Temple et du grand Conseil, pour la simple raison qu’à leurs yeux, cela voulait dire que Jésus se prenait pour le plénipotentiaire de Dieu, détenteur de son Autorité divine, maître de l’histoire sainte.
Paradoxe
Dès la première année, Jésus savait que son témoignage pouvait lui coûter la vie. Il est bon de s’arrêter un instant sur ce paradoxe. Tout l’apostolat de Jésus, son message de libération, les nombreuses guérisons, le pardon des péchés, la réintégration des exclus au sein de la communauté croyante, l’ouverture aux pauvres et aux petits, les gestes de réconciliation, les nombreux signes qui attestaient que le Père du ciel ne cessait de prendre soin de nous, auraient dû provoquer le retournement de tous les cœurs. Or, peu à peu, c’est l’inverse qui va se produire : beaucoup d’oreilles vont se refermer, même celles des tout proches du Maître. Cependant, rien ne pouvait entamer la joie, la douceur, la paix et la compassion transmises par Jésus dans chacune de ses rencontres. Il puisait sa force dans la communion d’amour qui l’unissait à son Père. Cette essentielle union d’amour nous fait comprendre pourquoi celui qui sera plus tard reconnu comme fils bien-aimé du Père, ne cessait de consacrer le meilleur de son temps à la prière. Lorsque les foules ont commencé à l’assaillir, Jésus éprouva le besoin de passa ses nuits à prier.
Un temps de retraite en des lieux retirés
Lorsqu’il constatait que la foi de ses disciples dans cette communion au Père faiblissait face aux assauts des puissances du mal, Jésus n’hésitait pas à parcourir avec eux de longues distances, afin de leur offrir un temps de retraite en des lieux retirés. Dans les évangiles, plusieurs indices laissent penser que Jésus avait plusieurs lieux de prédilection pour ses temps de retraite avec ses disciples. On peut déjà nommer les sources du Jourdain, la région de Jéricho, la région de Tyr et de Sidon où le prophète Elie avait autrefois trouvé refuge, sans oublier Béthanie et la demeure de Marthe, Marie et Lazare.
Les évangiles attestent que Jésus a offert sa vie pour obtenir de son Père le pardon du refus de ce pardon qui avait été accordé au moment de son baptême au Jourdain. Cette demande d’un renouvellement du pardon se fera au Cénacle, la veille de sa mort. Après sa mort, les disciples se retrouveront au Cénacle pour prendre le relais de cette imploration de Jésus à son Père : et voici que le ciel, qui ne devait plus jamais s’ouvrir puisque le pardon avait été officiellement refusé par les plus hautes autorité de son peuple lorsqu’elles avaient excommunié Jésus, voici que survient une nouvelle théophanie, le jour de Pentecôte, fête du renouvellement de l’Alliance : l’effusion de l’Esprit se manifeste sous la forme d’un feu qui descend sur les disciples : désormais, ils auront des langues de feu pour proclamer la mort et la résurrection de Jésus : les cœurs pourront enfin s’ouvrir !
Se remémorer toutes les Œuvres accomplies par Jésus
La retraite des disciples au Cénacle appelée par Luc Chambre haute, qui les avaient préparés à cette effusion de l’Esprit par lequel il se savait Fils du Père, s’était vécu dans une prière intense et incessante, autour de la mère de Jésus, dans l’unanimité des cœurs. Ce lieu chargé de souvenirs précieux permettait à ses disciples de se remémorer toutes les Œuvres accomplies par Jésus et toutes ses paroles, prenant le temps de les laisser résonner dans leur cœur pour en goûter toute la profondeur divine ; en même temps, ils laissaient descendre au plus profond de leur vie et de leur histoire, cette paix que Jésus leur avait promise. Leur prière était à la fois une longue action de grâce qui montait vers le Père et une supplication adressée à Jésus remonté au ciel, pour que son œuvre de rédemption se poursuive : cette puissante intercession vécue dans la foi en la résurrection de Jésus et dans l’union des cœurs, autour de sa mère avait préparé cette nouvelle effusion de l’Esprit Saint, le jour de la fête juive du renouvellement de l’alliance.
Toute retraite chrétienne ne devrait-elle pas se concevoir et se vivre dans la continuité et le prolongement de cette forme de prière qui fut inaugurée par les apôtres au Cénacle ?
Deux formes de retraite du Cénacle
Au cours des deux premiers millénaires de l’histoire de la foi chrétienne, cette retraite du Cénacle va prendre deux formes : la première va principalement se développer à partir des monastères, des abbayes et des couvents : cette forme de retraite invite à contempler successivement tous les mystères de la vie du Christ pour s’en imprégner et à se laisser toucher par la grâce liée à chaque mystère. A partir du XVIe siècle, une nouvelle forme de retraite est découverte par saint Ignace de Loyola : elle s’inscrit dans une nouvelle culture, celle de la modernité : elle accorde une grande place à l’expérience personnelle. Le renouvellement de la vie spirituelle au cours des siècles qui suivront, va beaucoup s’inspirer des annotations de St Ignage : grâce à lui, nous savons mieux comment découvrir ce qui se passe à l’intérieur de nous-mêmes lorsque nous nous laissons inspirer par l’Esprit du Christ, ou lorsque l’inspiration ne vient pas de Dieu. Durant une retraite ignatienne, on commence par revisiter les fondements de notre foi : on refait tout le chemin de l’exode ; il est alors nécessaire d’être accompagné dans cette démarche pour vérifier comment l’Esprit Saint reste maître de la progression du chemin jusqu’à la rencontre de Jésus ; commencera alors la progression vers de nouvelles étapes : le discernement de son appel, l’acceptation de l’imiter, le désir de tout quitter pour le suivre, puis le choix de lui laisser toute la place dans notre coeur.
Cet été, la maison du diocèse nous propose ces deux formes de retraite et nous laisse choisir celle qui nous conviendra le mieux.
- La première est prévue du 19 au 23 juin ; elle sera prêchée par le Père Dominique Foyer.
- La seconde est programmée du 11 au 15 juillet ; elle sera accompagnée par un père Jésuite et des membres de l’équipe d’accompagnement du diocèse.
Il est bon de rappeler que la Maison du diocèse est toujours heureuse de vous accueillir si vous éprouver le besoin de prendre un temps de ressourcement personnel d’un ou de plusieurs jours. Il suffit de prendre contact avec son secrétariat pour vérifier les dates d’arrivée et de départ, les conditions d’accueil. La maison accueille également volontiers des demandes de temps de récollection pour les mouvements et services ainsi que pour les paroisses. (contact : maisondudiocese@nordnet.fr )
N’oubliez pas que le pèlerinage diocésain de Lourdes du 17 au 23 août peut se vivre comme une vraie retraite (contact : service des pélerinages pelerinages.cambrai@nordnet.fr).
Savez-vous qu’il existe dans notre diocèse plusieurs lieux qui accueillent volontiers des demandes pour des temps de ressourcement ? Ces lieux peuvent aussi vous offrir leurs propositions.
- Les bénédictines olivétaines de Moustiers-en-Fagne, près du Val Joly, peuvent vous accueillir pour un temps de retraite personnelle ou en petits groupes dans leur prieuré. Leur prière est célébrée dans le rite oriental (contact : 03 27 61 81 28).
A proximité de ce prieuré, les deux moines bénédictins de la communauté Notre Dame des Près peuvent également participer à cet accueil. Leur prière est célébrée dans notre rite romain (contact : 03 27 57 22 35).
- La communauté Nazareth accepte volontiers de partager sa vie de famille et de prière avec tous ceux et celles qui éprouvent le besoin de se ressourcer et de se reposer une journée ou quelques jours (contact : Nazareth.wargnies@wanadoo.fr).
- Des membres de la communauté Famille de bienveillance qui vient d’être reconnue par notre Eglise diocésaine comme « Association privée de fidèles » peuvent également vous accueillir dans une oasis créée à Aubry-du-Hainaut pour vous poser. Ils sont prêts à accompagner les 24h durant lesquelles il vous sera proposé de faire un chemin de ressourcement et de rencontre avec Celui qui vous y attend. (Contact : f.bienveillance@orange.fr )
Vous pourrez trouver en ligne les nombreuses et diverses propositions de retraites dans les monastères, les couvents et les communautés. Les foyers de charité proposent des retraites de 5 jours en silence. La communauté de l’Emmanuel propose des retraites dans le cadre d’un festival des familles tout au long de l’été à Paray-le-monial.
Pour conclure, je ne puis me résoudre à laisser celles et ceux qui auraient pu être déconcertés par un exposé qui a déployé de manière si condensée toute l’histoire du salut sous l’angle de la prière. J’aimerais donc leur offrir quatre moyens pour prendre des raccourcis et parvenir à la même profondeur d’intimité avec Dieu.
Premier moyen : en faisant avec le plus d’attention et de recueillement possible, et très lentement, le signe de croix. Comme l’enseignait la vierge Marie à Bernadette, le signe de croix contient toute les bénédictions promises aux néophytes.
Second moyen : en m’exerçant, dès le matin, à libérer mon désir le plus profond et en l’adressant au Père. Cet exercice peut se faire pendant la toilette ou en me rendant au travail, au volant de ma voiture mais uniquement dans sur des routes droites… ou plus facilement dans un moyen de transport collectif.
Troisième moyen : en essayant de découvrir le petit moment de la journée où je pourrai lire posément, l’évangile du jour, et en me mettant à la place de l’un des personnages du récit.
Quatrième moyen : dans un moment un peu plus calme de la soirée, en relisant ma journée sous le regard du Père, pour déposer dans son cœur tout ce qui a été vécu de bien ou de moins bien, puis en laissant son Fils Jésus faire descendre sa paix au plus profond de moi-même.
Père André Merville