Vidéos en direct sur les réseaux sociaux pendant la période de confinement

Quelques témoignages des acteurs des retransmissions

À la suite du confinement, nous avons recueilli les témoignages de quelques-uns de ceux qui ont diffusé des vidéos et des directs sur les réseaux sociaux.

 

Père Francois Triquet, St François d’assise en Douaisis
Matei Mancas, Notre Dame du St Cordon
Père Mathieu Bobin, Ste Aldegonde en val de Sambre (qui témoigne aussi pour le père Pascal Romefort)

 

Comment et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans la vidéo sur internet ?

Ma première réaction, le dimanche 15 mars après avoir célébré seul pour la première fois la messe du dimanche, était une grande tristesse à cause du manque de la communauté. En effet, comme prêtre diocésain nous ne sommes pas prêtre pour nous même mais pour un peuple vers qui nous sommes envoyés. J'ai donc pris la décision pour garder cette présence lors de la messe quotidienne de continuer à faire un commentaire de l'Evangile en le filmant pour le transmettre aux paroissiens via le site internet de la paroisse et les réseaux sociaux. A l'approche de la Semaine Sainte, j'ai entendu la souffrance de plusieurs paroissiens me disant la difficulté à vivre la Messe dominicale via le Jour du Seigneur à cause du manque du lien communautaire. Avec l'équipe liturgique de la paroisse, nous avons donc opté pour les offices de la Semaine Sainte et la messe dominicale en mode confinement. C'est-à-dire, une retransmission en direct depuis mon lieu de confinement : l'oratoire de la maison paroissiale où j'étais seul avec la participation de paroissiens via la préparation des liturgies et l'enregistrement des lectures qui étaient diffusé durant la messe. Pour les chants, les chorales de la paroisse ont puisé dans leurs ressources d'enregistrements qu'elles avaient de messes paroissiales.

 

Disons par la force des choses. Nous étions dans une phase Facebook "classique" qui commençait déjà à prendre un peu d’ampleur. Mais le confinement a tout changé et poussé une véritable transformation numérique où le site web et les réseaux sociaux deviennent d'un coup le centre de la vie en Eglise.

 

Deux jours avant le confinement, un ami d'enfance devenu religieux salésien, le père Benjamin Dewitte, m'a téléphoné et m'a raconté que les vidéos sur internet était une part importante de son ministère, notamment pour rejoindre les jeunes auprès desquels il est tout particulièrement envoyé. Saint Jean Bosco en son temps faisait chaque jour "le mot du soir". Aujourd'hui, internet rend possible ce moment quotidien sans trop de difficultés. Pour moi, ça a été le déclencheur, un appel du bon Dieu. Dès le lendemain, j'ai parlé à mon curé, le père Pascal, de faire une vidéo par jour et il a été tout de suite partant. Le surlendemain, Julien, séminariste, nous a rejoint pour le confinement et il a accepté de vivre lui aussi l'aventure. Et nous voici parti pour 60 jours de vidéos CALM & PALM, accompagnés par le service diocésain de la communication et par des paroissiens qui s'y connaissent bien mieux que nous, comme Michaël Stocker.

Trois jours plus tard, j'ai eu un rdv par visioconférence avec mon groupe de jeunes professionnels cathos du Val de Sambre. Et ce sont eux qui m'ont dit que c'était très facile de faire des directs via Facebook. J'en parle avec Pascal et nous voilà partis pour filmer la messe tous les jours et la retransmettre en live.

 

Comment se sont passés vos débuts ? des difficultés, des anecdotes ?

J'avais pris l'habitude de célébrer la messe à 8h15 pour que la méditation soit en ligne sur le site de la paroisse avant 9h30. Un lundi matin (jour de repos des prêtres) j'avais prévu de célébrer la messe en fin de matinée et une paroissienne m'a appelé pour prendre de mes nouvelles inquiète à 10h que la méditation n'était pas en ligne. 

 

Un peu dans l'urgence avec l'achat d'un pied et un micro un peu "au feeling" pour que ça arrive assez vite pour la veillée et puis pour Pâques. Petit à petit on prend ses marques, mais on se rend compte qu'on a atteint un premier niveau qui permet de palier à l'urgence, mais il faut réfléchir aux niveaux au-dessus en termes de technique.

 

Les deux premières vidéos Carême à la Maison, Pascal et moi n'avions prévu aucun décor, aucune lumière, aucun scénario. Cela faisait presque : le prisionnier qui vous parle depuis sa cellule. Mais au moins le cœur y était. Puis sur les conseils du père Marc Beaumont et de Christophe Bouderlique, nous avons tâché de nous amélioré. Isabelle Klingebiel, une animatrice en pastorale qui est pour nous une sœur dans la mission est venue nous aider pour les directs. Car honnêtement, sans elle on n'aurait pas pu, même à trois, jongler entre la liturgie, la vidéo, les chants préenregistrés et la prière du cœur. 

Au fur et à mesure des prises de vue, nous avons pris nos petites habitudes. Parfois, nous nous sommes payés de sacrées rigolades. Cette joie, on en avait tous besoin ! Je pense aussi que ce qui a fait la richesses de la démarche, c'est que chacun de nous trois avons apporté des couleurs et des éclairages différents sur la foi et sur la vie, ce qui a permis de rejoindre des personnes différentes. La régularité a aussi permis aux gens de prendre leurs propres habitudes pour aller plus en profondeur au fil des jours.

 

Quels retours avez-vous eu de la part des internautes et des paroissiens ?

De la joie pour beaucoup de vivre ce lien avec la paroisse. Retrouver la messe paroissiale même à distance. J'ai eu beaucoup de retour de paroissiens qui avec beaucoup de sérieux, imprimaient la feuille de chants qui était disponible dès le samedi sur le site de la paroisse pour pouvoir vivre la messe comme à l'église. Beaucoup m'ont partagé leur joie de reconnaître la voix de tel ou tel personne (Nous aurions presque pu lancer un défi de retrouver le nom du lecteur qui a prêté sa voix pour la diffusion)

Pour les commentaires d'Evangile quotidien j'ai appris aussi que certains s'étaient fixé un RDV horaire pour vivre chacun chez soi un temps de méditation de l'Evangile à partir de l'écoute de cette méditation que je proposais. Une personne m'a partagé le goût retrouvé pour la lecture de l'Evangile quotidiennement dans la suite des méditations que j'avais proposé.

 

Globalement très positif avec beaucoup de contacts sur les réseaux et des gens prêts à pardonner une qualité parfois en deçà de ce qu'ils espéraient. Par ailleurs des gens qui posent des questions sur Facebook auxquels on peut s'attendre (des gens seuls, des gens de Valenciennes qui sont maintenant loin, ...) mais aussi auxquels je ne m'attendais pas (entrée dans les ordres, discussions parfois un peu tendues sur Vatican II, questions sur l'Eglise, membre de la famille égarés dans le Valenciennois ...). Peu de commentaires désobligeants qui ont dû être censurés.

 

C'est peut-être ce qui a été le plus fort pour nous. Il y a d'abord eu le côté fraternel. En laissant des commentaires pour nous encourager ou pour se saluer entre eux, les paroissiens mettaient l'ambiance aussi et ont créé un climat familial sur la toile. De ce que nous percevions pour un certain nombre d'entre eux, au-delà du contenu des vidéos, est qu'ils étaient tout simplement contents de voir nos bouilles et de partager par là un moment paroissial. D'autres nous ont remercié de leur avoir permis de vivre un Carême puis des fêtes de Pâques plus en profondeur et en intériorité, une vraie rencontre avec le Christ dans le secret de leur maison. D'autres encore, plus loin de l'Eglise, nous ont dit que ces vidéos leur avait ouvert un chemin vers Dieu et vers l'Eglise. Pour nous, pasteurs, ces joies n'ont pas de prix.

 

Souhaitez-vous continuer les vidéos après la reprise des célébrations ?

Pour les commentaires d'Evangile, j'ai arrêté à la fin du confinement puisque je m'y étais engagé pendant le confinement et que le déconfinement progressif a rempli de nouveau l'agenda me laissant moins de temps pour la mise en ligne à heure régulière.

Pour les messes, ce qui me semblait important c'était de permettre de garder le lien communautaire, alors quand nous pourrons nous rassembler dans nos églises, ce ne sera plus nécessaire de passer par la vidéo. Et pour les personnes qui ne pourront pas se déplacer, il y a la messe télévisée sur le service public (et la majorité de ces personnes suivaient déjà cette messe n'ayant pas forcement l’accès internet) et nous devrons veiller aux visites pour maintenir avec ces personnes le lien communautaire.

 

De mon côté je pense vraiment que oui. Il faut trouver le bon format et former des équipes dans les clochers pour qu'ils puissent prendre en charge la transmission en local. Dans le temps ordinaire il faut peut-être tourner entre doyennés, sinon tourner entre paroisses. C'est important pour les gens qui ne peuvent pas se déplacer facilement, les gens qui sont partis loin. Le confinement a permis la création d'une communauté sur internet qui peut fédérer les paroissiens existants mais aussi plus facilement toucher les gens en marge de l'église. C'est aussi une possibilité de plateforme de "dialogue" entre des gens qui ne sont pas des habitués et l'église : une porte d'entrée notamment pour les plus jeunes. C'est important de connecter aussi plus les enfants (collèges) et les étudiants (lycées, univ) directement ou à travers leurs parents pour les plus jeunes : peut-être en parler à l’enseignement catholique et à la catéchèse de faire passe le message aux parents qu'il y a une communauté à qui se rattacher et qu'il faut suivre ce qui s'y passe.

Enfin il faut donner plus de visibilité numérique aux événements locaux (Ste Rita, Notre Dame du Saint Cordon bien sûr !). Par contre là il faut passer au niveau technique au-dessus pour assurer la meilleure qualité son et image possible avec des budgets limités. Si le St. Cordon demande à devenir patrimoine immatériel de l'UNESCO (comme le Doudou à Mons) c'est important d'avoir des documents numériques montrant que la tradition est vivante, sans oublier que cette année une messe de 3000 personnes ne sera peut-être pas possible en septembre.

Si les cultes redémarrent doucement, donner peut-être la priorité aux gens seuls et en difficulté (exemple d'un message Facebook qui vient de tomber dans la boite de réception) ? Cela permettrait de parler et de rencontrer des personnes en chair et en os.

 

Absolument !

Pour le premier volet, les vidéos "topo" de 10-12 minutes, nous avons décidé de continuer à en proposer deux par semaines (site internet, facebook et chaîne Youtube). Mais pour tenir dans le temps, nous aurons besoin d'aide, comme celle du père Mathieu Dervaux, qui a pris sa place dans notre chaîne dès le déconfinement pour remplacer notre bon Julien reparti au séminaire. Ces vidéos sont un outils de formation permanente pour les chrétiens, un lien de communication à l'intérieur de la communauté fraternelle et aussi un beau moyen d'évangélisation par la toile. A la suite de ces vidéos, nous avons eu des contacts et même des rencontres avec des personnes que nous ne connaissions pas encore. Lorsqu'on se balade dans les rues de Maubeuge, des jeunes et des adultes que nous croisons nous en parlent. Incroyable !

Pour le volet des liturgies, la question est plus délicate, car il manque une dimension essentielle lorsqu'on regarde lamesse sur ordinateur : notre présence et notre corps dans le grand Corps du Christ qu'est l'Assemblée des chrétiens. On ne peut pas laisser prendre l'habitude de vivre la liturgie ou les sacrements à distance, comme n'importe quel bien de consommation. D'un autre côté, les personnes vulnérables, malades ou âgées qui ne peuvent pas se déplacer ont accès, grâce à ces directs, à la vie spirituelle et communautaire de notre paroisse. Nous ne savons donc pas encore ce que nous déciderons. Nous en parlerons en EAP

 

Avez des éléments à ajouter ?

Une personne m'a dit sa joie de suivre les Messes en ligne avec une dimension communautaire mais aussi son insatisfaction de l'absence concrète de la rencontre communautaire. Ce même sentiment m'a habité également et je crois que s'il a habité le cœur de tous les paroissiens, cela aura était une réussite... 

 

Personnellement j'ai vécu ce confinement en "privilégié" étant plus proche des autels que je ne l'ai jamais été. J'ai aussi rencontré des belles personnes et découverts des endroits que je ne connaissais pas. Enfin, ce qui m'a le plus touché, c'est d'avoir senti que si je dis le Notre Père, exactement au même moment des dizaines de milliers d'autres hommes partout dans le monde le disent avec leurs joies et leurs peines. Et ce n'est pas tout puisque des millions l'ont déjà dit dans le passé en remontant jusqu'au Christ lui-même sans oublier ceux qui continuent de le dire n'étant plus de ce monde. Bref, j'ai pris conscience que la prière, même seul dans sa chambre, permettait d'entrer en communion avec toute l'Eglise passée, présente et à venir et de vibrer ensemble jusqu'à sa tête qui est le Christ. Une belle incarnation de la communion des saints et la sensation de faire Corps ! Ca change d'une vision assez théorique et abstraite que j'avais de la communion des saints avant ... là c'est du concret.

Noeline Sene, assistante pastorale du doyenné de valenciennes, ajoute : « Les retours de nos amis internautes ou pas, c'est d'abord la Joie dans ce sentiment d'appartenance à une église qui fait du lien. Beaucoup de remerciements. Pour moi le confinement a favorisé la formation d'équipes technico-vidéastes dans 2 voire 3 paroisses, ce qui permet d'avoir des relais locaux. »

 

Le confinement a été une épreuve véritable. Mais elle a aussi été l'occasion de découvrir cet outil qui peut se révéler, avec discernement, un don de la Providence pour rejoindre des personnes que nous avons tant de difficultés à atteindre. Internet est une des places publiques du monde d'aujourd'hui, comme l'Aréopage du temps de Paul.

 

 

Article publié par Service communication • Publié le Lundi 22 juin 2020 • 981 visites

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