Une nouvelle traduction du Missel romain

Dossier "Grand Angle" paru dans le numéro d’Église de Cambrai de decembre 2021

Le concile de Vatican II a souhaité que les fidèles puissent participer de façon plus consciente et plus profonde aux célébrations liturgiques. De la sorte, les participants ne se comporteraient plus en spectateurs muets, mais deviendraient eux-mêmes, à la suite du Christ, une véritable offrande à l’amour du Père.

Pour atteindre ce but, les Pères du Concile ont estimé qu’il était opportun de traduire les paroles latines de la liturgie dans une langue vivante qui puisse être comprise par la population d’une nation ou d’un ensemble de nations.

C’est ainsi que la liturgie de la Messe promulguée en 1969 a été, dans notre pays, rapidement traduite en français. Une seconde édition latine publiée en 1975 a été traduite en 1978. Une troisième édition latine a été diffusée en 2000. C’est cette troisième édition qui vient enfin d’être traduite en langue française.

POURQUOI FALLAIT-IL UNE NOUVELLE TRADUCTION ?

               La première raison est simple : En publiant la troisième édition latine du missel, la congrégation romaine pour le culte divin avait souhaité qu’une traduction en langues vivantes puisse être réalisée.

               D’autre part, les critères de traduction avaient évolué : En 1969, une traduction large du texte latin était admise pourvu que le sens des textes et des prières soit respecté. Le souci d’une traduction littérale paraissait moins important que le respect de la signification globale du texte. En 2001, le Vatican a demandé aux traducteurs d’être plus fidèles au texte latin sans rechercher la créativité afin de conserver, par-delà les diverses traductions, l’unité du rite romain ; toutefois il leur était également recommandé de rendre le texte choisi accessible aux fidèles tout en veillant à éviter un langage trop commun lequel serait vite démodé et exprimerait mal les réalités divines supérieures .

               Alors que la traduction française trainait en longueur, le Pape François a signé, en 2017, un document  précisant que la traduction du missel devait être fidèle à trois principes : fidélité au texte latin original ; fidélité à la langue dans laquelle le texte est traduit (le texte français ne peut résulter d’une traduction littérale du latin) ; fidélité à l’intérêt spirituel des fidèles (le texte doit être intelligible et favoriser l’ouverture de cœur des participants). Nous pouvons constater qu’il peut être parfois difficile de concilier ces trois fidélités.

Cette nouvelle édition du missel n’est en rien un nouveau missel : les rites, l’ordre de la messe, l’espace liturgique ne changent pas. C’est uniquement la traduction française qui a été réévaluée et rectifiée.

 

DEUX POINTS D’ATTENTION DANS LA NOUVELLE TRADUCTION

  • L’ANAMNÈSE : UNE PROFESSION DE FOI :

               Nous connaissons bien le chant de l’anamnèse par lequel l’assemblée acclame le Christ au cœur de la prière eucharistique. La nouvelle traduction en présente quatre formulations. La première, la deuxième et la quatrième figuraient déjà dans le missel en langue française. La troisième proposition avait été « oubliée » par les traducteurs. Elle retrouve sa place dans la nouvelle traduction.

L’anamnèse n’est pas un chant comme un autre, mais une proclamation de foi de toute l’assemblée, qui entre en résonnance avec la profession de foi déjà exprimée par tous à la fin de la liturgie de la parole (Credo de Nicée-Constantinople).

Le mot « anamnèse » vient du grec ana (« vers le haut ») et mnésis (« action de se souvenir »). Mais en liturgie, l’anamnèse ne correspond pas seulement à l’idée de se souvenir d’un fait passé. C’est un acte de foi par lequel on reconnait qu’un fait passé est aujourd’hui actuel et présent à nos vies. Dans la prière eucharistique, l’anamnèse est chantée après le récit de l’institution : le prêtre redit les paroles prononcées par le Christ à son dernier repas et conclut, comme Jésus l’a fait le jeudi saint : « vous ferez cela en mémoire (« ana-mnèsin ») de moi. Le prêtre, alors, invite l’assemblée à faire « anamnèse », c’est-à-dire à reconnaître que non seulement nous nous souvenons que Jésus a donné sa vie lors de sa passion, mais encore à proclamer haut et fort que ce que Jésus a fait et vécu dans sa mort et sa résurrection, il l’accomplit encore aujourd’hui sous nos yeux. De fait, le pain et le vin déposés sur l’autel sont devenus le corps et de sang du Christ donné et versé pour nous.

               Voilà pourquoi, l’anamnèse comporte deux temps :

1°) le prêtre demande à l’assemblée de proclamer sa foi au Christ mort et ressuscité pour nous et présent au milieu de nous sous la forme du pain et du vin consacré. Il emploie alors une formule brève : « Il est grand le mystère de la foi » ou « Acclamons le mystère de la foi » ou « Qu’il soit loué le mystère de la foi » ou encore « Proclamons le mystère de la foi ».

2°) L’assemblée répond à l’invitation du prêtre, non pas en répondant au prêtre, mais en s’adressant au Christ lui-même. Car le Seigneur est là, réellement présent comme sauveur au milieu de nous et il s’agit alors de lui dire « Tu » et non pas de parler de lui à la troisième personne du singulier comme s’il était absent.

 

  • L’INTRODUCTION DE LA PRIÈRE SUR LES OFFRANDES :

Prêtre : Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant.

Tous : Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église

Ou

Prêtre : Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église.

Tous : Pour la gloire de Dieu et le salut du monde

 

               La nouvelle formulation de l’introduction à la prière sur les offrandes est plus conforme au texte latin. Elle est plus complexe à comprendre, car elle semble évoquer l’idée que, dans l’eucharistie, il y aurait deux sacrifices : celui du prêtre et celui de l’assemblée des fidèles. En fait, il n’y a qu’un seul sacrifice, celui du Christ, auquel les membres de l’assemblée sont appelés à s’associer et à s’unir.

               Mais avant d’aller plus loin il est bon de nous mettre d’accord sur le sens chrétien du mot sacrifice : Le sacrifice n’a pas pour but de donner à Dieu quelque chose qu’il ne possèderait pas, mais à nous rendre totalement disponibles à Dieu afin de nous laisser entièrement saisir par lui : Nous qui étions loin de Dieu, nous voici appelés à nous offrir en sacrifice, c’est-à-dire à accepter l’amour du Christ qui s’est donné à nous en plénitude sur la croix. Nous pouvons alors nous laisser saisir et emporter par cet amour afin que, à l’image du Christ, nos vies soient entièrement ouvertes à la miséricorde du Père et véritablement données à nos frères.

 

               Dans l’eucharistie, le prêtre, tenant la place du Christ, offre à Dieu et aux hommes la vie entièrement donnée du Christ telle qu’elle s’est manifestée au plus au point sur la croix. C’est pourquoi il dit « que mon sacrifice… soit agréable à Dieu  ». Mais chacun des participants est invité à renoncer à soi-même afin d’accueillir le don du Christ et afin de mettre le Christ au centre de sa propre existence et de ses décisions. C’est pourquoi le prêtre dit « que mon sacrifice qui est aussi le vôtre… ». Il n’y a alors plus qu’un seul sacrifice : celui « de toute l’Église », c’est-à-dire celui du Christ auquel s’associent consciemment tous les baptisés.

 

1Constitution sur le Sainte Liturgie du 4 décembre 1963 n°14, 36, 48

2 instruction Liturgiam authenticam du 28 mars 2001

3 motu proprio Magnum principium du 3 septembre 2017

 

Article publié par Service communication • Publié le Jeudi 17 mars 2022 • 615 visites

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